Service de presse entre Alumni #30 : Anya, fille d'Ukraine, de Tang Loaëc
26/08/2025
« Quand on a lu Les enfants maigres, on sait qu’on a raison de trembler au sujet du dénouement, que l’auteur excelle à rendre à la fois lumineux et terrifiant » : Marceline Bodier (promo 1993) nous explique pourquoi elle a dévoré d’une traite Anya, fille d’Ukraine de Tang Loaëc (promo 1990), paru le 15 juillet 2025 aux éditions Passiflore.
Le livre
L’auteur
Français de partout et d’ailleurs, Tang Loaëc a un père breton, une mère chinoise, une femme russe. Il est diplômé de Sciences Po Paris. Critique littéraire pour la revue littéraire de Shangaï et d’Orient, il dirige des entreprises dans le domaine de l’assurance, à Shanghaï et à Paris.
Tang Loaëc a vécu en Chine, à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Écosse et en France où il réside aujourd’hui. Passionné de politique internationale, il met sa plume au service de sa volonté de paix dans le monde.
Il a lancé en Chine des communautés pour aider à retrouver et sauver des enfants volés, source d'inspiration pour son premier roman en librairie, Les enfants maigres, Prix parité assurance 2025. Dans ce roman à deux voix, on partage la détresse d’un enfant-esclave et d’un père dévasté par la disparition de son fils, qu’il recherche désespérément.
Ayant vécu les années de conflit russo-ukrainien dans l’intimité d’Ukrainiens et de Russes émigrés, il présente dans Anya, fille d’Ukraine, les points de vue de Russes et d’Ukrainiens ukrainophones ou russophones, sous les bombes ou en sécurité, d’opinions politiques et de statuts sociaux différents.
Que ce soit dans Les enfants maigres ou dans Anya, fille d’Ukraine, il se veut le porte-parole de ceux qui souffrent, enfants et adultes, qui subissent sans comprendre la volonté des puissants.
L’auteur interviewé sur TV5 Monde
Présentation du roman par la maison d’édition
Anya a onze ans. Très grièvement blessée par un obus tombé sur une rue de Kiev, elle oscille entre la vie et la mort sur son lit d’hôpital.
Son esprit inconscient erre des membres de sa famille aux êtres qui ont croisé sa route, d’une région d’Ukraine ou de Russie à l’autre. Des hommes et des femmes ordinaires dont la guerre a bouleversé l’existence.
Privée de son père, comme tant d'autres sur le front, elle deviendra un symbole du combat pour retrouver tous les disparus, civils et militaires.
Deux extraits choisis par Marceline
Pourquoi nous battre ? Nous sommes si nombreux à être cousins de part et d’autre de ces frontières qui n’en ont jamais été avant 2014.
Dans la population, beaucoup haïssent maintenant la Russie, mais il en est peu qui portent encore les États-Unis ou l’Europe en leur cœur. La fascination pour l’Occident, qui était forte il y a cinq ans ou dix ans, a été minée par cette guerre qui a laissé notre pays détruit, nos familles décimées, nos espoirs en lambeaux.
L’avis de Marceline
Entre Johnny s’en va-t’en guerre et La ronde
C’est l’histoire d’Anya, petite Ukrainienne née en 2014, qui perd sa mère et sa grand-mère dans une attaque à laquelle elle survit gravement brûlée, atteinte au visage, et plongée dans le coma à l’hôpital. Comme dans le terriblement poignant Johnny s’en va-t’en guerre, c’est en pensée qu’elle revoit défiler sa vie. Comme dans le léger La ronde, l’histoire de chaque personnage auquel elle pense ou qui l’entoure s’enchaîne toujours avec celle du suivant, entraînant le lecteur dans une grande chaîne humaine.
Un monde absurde vu à hauteur d’enfant
Vous l’avez compris, cette ronde est tragique. Elle nous fait voir le monde à hauteur d’une petite fille dont l’enfance a été volée : c’est une manière de raconter l’absurdité de la guerre qui fonctionne mieux que n’importe quel manuel.
Bien sûr, le monde des enfants commence par leurs parents. Anya a perdu sa mère, mais comme dans le précédent roman de l’auteur, Les enfants maigres, qu'Hélène Bermond (promo 1986) avait chroniqué ici pour nous, la paternité est un fil conducteur capital : dans Les enfants maigres, un père cherchait son fils ; dans Anya, fille d’Ukraine, c'est Anya qui voudrait retrouver son père, qui est désormais son seul parent survivant. Survivant, ou pas : cela fait si longtemps qu’il est parti au front... le livre est bâti sur l’incertitude quant aux possibilités de le retrouver, et la tension croissante que cela génère.
Une ronde qui ne s'arrête pas aux frontières de la Russie
D’autant plus qu’Anya est ukrainienne, mais son père est né en Russie, où vit toujours sa tante. Cette tante est navrée de penser que sa fille exilée en France, la cousine d’Anya, est exposée à la propagande ukrainienne mensongère, tandis que cette fille se demande « Comment se rêver citoyenne du monde quand sa Russie natale est en guerre contre ces autres pays où elle a voulu vivre ». Mais Marina, la tante, tremble aussi pour Anya... « Derrière la politique, il y a l’amour de Marina pour leur famille d’Ukraine, pour tous les Ukrainiens, qu’elle considère comme faisant partie de ce peuple russe qui est le sien ».
On ressent toute la poignante absurdité de la guerre : un dictateur a tiré la première ficelle, des dirigeants s’affrontent, mais ce sont les peuples qui sont leurs premières victimes de part et d’autre de la frontière. Ils savent pourtant bien, ces peuples, qu’ils se ressemblent... « C’est bizarre, quand je t’ai vu à côté de tes camarades morts, j’ai pensé tout de suite que tu ressemblais à mon fils. Enfin, tu ressembles à ce qu’il serait devenu, j’imagine. Je ne l’ai pas vu depuis vingt ans », dit un soldat russe au soldat ukrainien qu’il pourrait tuer. « Il m’a soigné parce que j’étais là et que c’est ce qu’il sait faire, quand on ne l’oblige pas à tuer », pense l’autre.
Une ronde qui emporte aussi les adultes en visite dans l’hôpital
Anya est dans le coma, mais elle se réveille et elle est entourée d’adultes qui passent et sont pris dans la même tragédie qu’elle. Parmi eux, Irina est journaliste. Elle ne peut pas rester indifférente au martyr de la petite fille : « C’est mon métier de faire le compte de tous les morts, de toutes les iniquités, d’où qu’elles proviennent. C’est ma raison d’être. Je crois tellement au besoin de journalistes intègres en Ukraine que j’en pleurerais, tant j’ai l’impression que tous ensemble, nous ne parvenons qu’à écorcher la surface de tout ce qu’il faudrait exposer ».
Elle vient tous les jours à l’hôpital parce que sa mère doit y recevoir des soins de plus en plus coûteux. Elle a beau être une journaliste ukrainienne indépendante, cela fait d’elle une proie facile pour un oligarque qui a besoin de journalistes qui ont déjà une bonne réputation.
Alors oui, Irina écrira peut-être pour les colonnes de l’oligarque, mais rappelez-vous que le livre est une ronde initiée par Anya, en qui Irina voit un « miroir de toute la détresse de son peuple » : à un moment, l’auteur ménage une tangente et c’est d’Irina qu’elle partira. Car « Il me reste à donner un sens à tout cela », se promet-elle.
Pourquoi ce livre plaira aux Alumni de Sciences Po : une fin subtile, qui est tout autant un dénouement qu’une interrogation terrifiante
Tout cela aura un sens, oui, mais quand on a lu Les enfants maigres, on sait qu’on a raison de trembler au sujet du dénouement, que l’auteur excelle à rendre à la fois lumineux et terrifiant. Anya, fille d’Ukraine, n’échappe pas à cette contradiction : sans rien en dévoiler, je peux simplement en dire que le dénouement comble tout autant les espoirs d’Anya et des lecteurs qu’il joue avec eux.
Il les comble, parce qu’Anya est une enfant et que quoi qu’il lui arrive, l’espoir est le plus fort : les souvenirs qu’elle convoque tout au long de son calvaire à l’hôpital sont des souvenirs de joie, « Anya ne peut pas imaginer que le visage de Léna ait perdu dans la guerre la joie avec laquelle, enfant, elle était accueillie chaque jour ». Cette énergie, elle la met au service de la paix - et elle le fait aussi en tant que personnage de roman, d’ailleurs.
Nous sommes les enfants d’Ukraine, quelles que soient nos nationalités. Nous sommes la génération qui appelle à la libération des prisonniers et à la paix. Les voix que l’on a fait taire pendant une guerre absurde et qui refuseront à toute force que la folie recommence.
Il joue avec eux, parce que... ça, je ne peux pas le dire, bien sûr. Vous vous doutez bien que ça ne peut pas être simple dans un pays où les hommes sont de la chair à canon, où ni femmes ni enfants n’échappent aux bombes, et où les journalistes indépendants doivent composer avec les oligarques. Mais pour en savoir plus, il vous faudra lire ce court roman qui se dévore d’une traite.

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