Services de presse entre Alumni #27 : Au Pic Saint-Loup, avec ou malgré vous ? de Didier Amouroux
07.09.2025
« Retour dans le passé. Rien de tel pour décrypter ce que fut la domination seigneuriale au Moyen Age, en pays de langue d’oc. Et pour en tirer une leçon ! » : Clarisse Ranc (promo 1982) nous explique pourquoi elle a aimé Au Pic Saint-Loup, avec ou malgré vous ? de Didier Amouroux (promo 1975), paru en mai 2024 chez 5 sens Éditions.
Le livre
L’auteur
Diplômé de Sciences Po Paris et d’un DESS en gestion de l’entreprise, Didier Amouroux a mené une carrière de Directeur des Ressources Humaines, Secrétaire Général, Directeur du Mécénat tout en dirigeant bénévolement des associations humanitaires. Son premier livre, historique, a été publié en 2004. Suivirent 2 recueils de nouvelles et 8 romans. Contes solaires a été récompensé en 2014 ; Les étrangers du Val-de-Londres l'a été en 2022, du prix « Paroles d’auteur(e)s ».
Présentation du livre par la maison d'édition
Né à moins de 25 kilomètres du village – « en ville », disaient les autochtones –, Achille traînait comme un boulet sa réputation d’ « estranger », c’est comme ça qu’on l’appelait. Sa relation avec une fille du coin n’y changeait rien. Un héritage (inattendu puisqu’il n’avait plus de parents) lui valut des marques subites de reconnaissance. Étaient-elles sincères ? Son engagement en faveur de la protection de l’environnement autour de la montagne emblématique du nord de l’Hérault, le Pic Saint-Loup, aux vignobles réputés, allait servir de test. En dépit des commérages, des partis pris politiques, de la pression de l’argent, il voulait vivre ici. Le pourrait-il, alors qu’un investisseur mafieux lui tendait des traquenards ?
« Au Pic Saint-Loup, avec ou malgré vous? » est donc un roman de terroir. Mais aussi un roman policier riche en rebondissements. Un roman historique enfin, la leçon qu’Achille tire de ce qui s’est passé il y a mille ans lui sert à adapter sa stratégie en 2025.
Deux extraits choisis par Clarisse
La messe, c’était réglé avec le prêtre. Il connaissait Marie-Louise Razigade. Qui ne connaissait pas, au moins de vue, « pel de lebre, pel de lapin » ? Il lui avait acheté dans un passé récent et avait apprécié le produit, un peu moins l’odeur qui émanait de la braconnière. Surtout, les rangs des fidèles étaient plus clairsemés. Marier deux jeunes ramènerait leurs familles auprès du Seigneur, et plus tard leurs enfants, telle était sa stratégie à lui, il ignorait que de la famille, il n'y en avait qu’une, les Razigade, Achille n’avait jamais connu son père et, maintenant qu’un père s’était manifesté, il avait fallu qu’il meure avant de connaître son fils.Marie-Louise dut faire de gros efforts pour sortir de chez elle et rencontrer les personnes qu’il fallait voir pour les organiser les noces. Le prêtre, ça avait été le plus facile.
La mairie, ce fut autre chose. Non, ce n'était pas une ruche dans laquelle se seraient activées de zélées employées, encore moins d'ailés apidés bien sûr. C'était un bâtiment très simple lui aussi, point positif, un bâtiment étiré en longueur de sorte que le public était orienté par des flèches - à droite vers l'accueil, au milieu vers le comptable, à gauche vers le Secrétaire Général censé gérer l'ensemble. Le calme régnait dans cet antre de l'administration. Les trois employées s'ignoraient, chacune enfermée derrière la porte de son bureau. Elles ne s'interpelaient pas d'un bout du couloir à l'autre. Peut-être se téléphonaient-elles en chuchotant, histoire de se communiquer des informations confidentielles, à moins qu'elles ne se répandent en commérages perfides ? Ce calme convenait à Marie-Louise. Elle appréhendait le face-à-face qui suivrait. Elle lut le panneau affiché en grosses lettres sur la porte verte, à droite : « ACCUEIL. FRAPPER AVANT D'ENTRER ». Elle frappa. Personne ne répondit. Marie-Louise était respectueuse des consignes, et peu à l'aise dans les contacts humains, on le sait. Elle attendit une longue minute. Un rai de lumière filtrait sous la porte. Elle s'enhardit et cogna à nouveau. Un cri aigu, proféré sur un ton qui n'appelait pas de réplique, fusa : « Attendez que je vous autorise à entrer. » Marie-Louise attendit. Aucun bruit dans cette curieuse administration, pas de coup de fil, pas de conversation entre l'employée de l'accueil et un ou une administrée. Que pouvait fabriquer Luce (Marie-Louise connaissait sa famille, Luce était allée à l'école avec Marie), seule, dans son bureau ?
L'avis de Clarisse
Une intrigue mystérieuse dans un cadre privilégié
Si vous avez envie de voyager entre les premiers contreforts cévenols et la garrigue boisée au-dessus de Montpellier, alors lancez-vous dans la lecture du roman Au Pic Saint-Loup, avec ou malgré vous ?.
Probablement pas comme vous l’imagineriez. Non, il ne s’agit pas de la description de l’arête rocheuse du Pic Saint-Loup ni du sentier à emprunter pour s’y rendre. Le roman vous enferme peu à peu dans l’univers d’un village médiéval nommé Viols-le-Fort avec ses habitants au caractère bien trempé qui n’aiment pas beaucoup les « estrangers ». Que s’est-il passé au pays du Pic Saint-Loup ? L’annonce du décès de Léopold -un ancien « Parisien fada »devenu le seigneur du village- et celle de son testament vont bouleverser la vie d’Achille et Marie, par ricochet celle de Lise et d’Alice, enfin celle de Léon et de Marie-Louise Razigade. Cette famille de Viols-le-Fort, attachée à ses garrigues et ses taillis de chênes, ou plutôt le clan Razigade, nous entraîne dans les secrets de famille et les non-dits pesants.
Un huis-clos familial
La description savoureuse et détaillée des personnages au fil des pages fait plonger le lecteur dans un huis-clos familial.
Lise en doctorat d’histoire nous explique qui régnait au Moyen-Age sur les terres de Notre Dame de Londres et ses environs. Jusqu’à rappeler les lois instaurées par les Wisigoths occupant pendant 300 ans le Languedoc, laissant des lois derrière eux, telle « l’égalité entre héritiers, qu'ils soient mâles ou femelles, aînés ou cadets ». Alice, « un petit bout de femme trapue », venue du 9-4, est sa compagne.
Les sœurs Razigade, Marie et Lise, se redécouvrent après des années de séparation. Leurs modes de vie sont à l’opposé. Les cinq années passées en Afrique du Sud pour Marie et son amoureux Achille en sont une des raisons.
Leurs parents, Léon « déjà reboussié par nature » et sa femme Marie-Louise, n’ayant jamais quitté le village, sont très affectés par la longue absence de leur fille Marie partie « comme une voleuse » avec un « estranger ». Au travers de ses personnages, l’auteur n’hésite pas à distiller des expressions empruntées au dialecte occitan.
Alors que la mort de Léopold et les révélations du notaire vont bouleverser les Razigade, Achille qui a toujours été mal vu par les habitants du village, les Violiens, va bénéficier d’un nouveau statut auprès d’eux. Car il va épouser Marie, « une fille du village » et va hériter de la fortune de Léopold. Mais il deviendra rapidement une cible pour certains.
Un roman historique très documenté
On prend plaisir à lire ce roman historique mais aussi policier. Le roman est très documenté sur la région, que ce soit en l’an 1100 ou en 2025. Et l’auteur, Didier Amouroux, prend plaisir à faire durer le suspense. Il nous éclaire sur la vie quotidienne d’un village des garrigues au Moyen-Age, sur l’histoire qui a façonné la commune et le Val de Londres jusqu’à aujourd’hui.
L’exercice du retour dans le passé ou du récit historique est toujours complexe car on peut perdre le lecteur. Ce n’est pas le cas, ici. Le lecteur va découvrir la complexité des droits et des pouvoirs sur les terres et les fermages à l’époque des seigneuries en Languedoc.
Un dénouement surprenant !
Dans ce récit, il est question de la protection actuelle de l’environnement et de la difficile préservation de lopins de terre de cailloux, de bergeries en ruine, de parcelles au fin fonds de la garrigue. Il y a bien une Fondation destinée à préserver la nature et présidée par Achille devenu l’héritier de Léopold à l’origine de cette Fondation. Peut-il pour autant faire confiance aux habitants du village ? Les hommes d’affaires cupides ne donnent pas la priorité à l’écologie ni à l’environnement. Quelle stratégie faudra-t-il adopter avec eux et quel en sera le prix ? Faut-il s’inquiéter pour les défenseurs de l’environnement et plus particulièrement pour Achille, dont la vie ne tient qu’à un fil ?
Le lecteur finira cette lecture de façon surprenante. Retour dans le passé. Rien de tel pour décrypter ce que fut la domination seigneuriale au Moyen Age, en pays de langue d’oc. Et pour en tirer une leçon !

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