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Christelle Morançais reçue à Sciences-Po par Xavier Pinon, président du groupe Entreprendre des Alumni

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12.04.2025

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Lors d’une conférence organisée par Sciences-Po Alumni le 4 novembre 2025, Xavier Pinon, cofondateur du comparateur Selectra et président du groupe Entreprendre de Sciences Po Alumni, a échangé pendant près de deux heures avec Christelle Morançais, présidente de la Région des Pays de la Loire. À l’origine de cette rencontre : la décision inédite de la Région de réduire son budget de 82 millions d’euros en 2025, une initiative qui interpelle dans un paysage institutionnel où les dépenses publiques progressent habituellement année après année. Cette singularité a servi de point de départ à une réflexion plus large : dans quelle mesure une collectivité territoriale peut-elle, ou non, s’inspirer des méthodes du privé pour gérer un budget, piloter des équipes et investir dans l’avenir ?



Présentation de Christelle Morançais

Xavier Pinon : « Pour commencer, Madame Morançais, pourriez-vous vous présenter et revenir sur votre parcours, notamment sur ce qui vous a mené de l’entrepreneuriat à la politique ? »

Christelle Morançais : « J’ai 50 ans, je suis mariée et j’ai deux enfants. Avant la politique, j’ai évolué dans le privé, d’abord comme salariée, puis en créant avec mon mari en 2011 un réseau national de mandataires dans l’immobilier, que j’ai dirigé jusqu’en 2017. Mon entrée en politique a été totalement inattendue. Tout a commencé aux municipales de 2014, où j’ai été sollicitée six semaines avant le premier tour. Ce fut une campagne intense, avec des débats difficiles, mais aussi une expérience extrêmement formatrice. Ensuite, Bruno Retailleau m’a proposé de devenir tête de liste pour les élections régionales de 2015 dans la Sarthe. Nous avons remporté ces élections et j’ai été sa deuxième vice-présidente en charge de l’emploi, la formation et l’apprentissage. En 2017, j’ai tenté les législatives mais j’ai perdu de très peu, et c’est finalement en 2021 que j’ai été élue présidente de la Région des Pays de la Loire. Ce parcours atypique m’a appris l’importance du terrain, de la proximité et surtout, de donner un cap clair tout en restant à l’écoute des forces vives de la région. »

Le choc budgétaire : une contrainte, pas une rupture

Xavier Pinon : « Pour en revenir au budget de la région Pays de la Loire, est-ce que vous voulez nous parler de son contexte ? Était-ce une vraie rupture par rapport aux budgets précédents ? »

Christelle Morançais : « C’était une continuité. Dès 2021, j’ai voulu sortir du “mode guichet” pour passer au mode projet, afin d’éviter le saupoudrage et les aides automatiques. Les finances se sont ensuite tendues brutalement : une baisse des recettes issues de la TVA de 40 M €, une prévision prudente de 20 M € de recettes en moins, et une contribution supplémentaire demandée par l’État de 40 M €. Au total, 100 millions d’euros à trouver. Ce n’est ni idéologique ni improvisé : c’est une contrainte. Et puis je le dis souvent : dans une famille, quand les revenus baissent, on ajuste les dépenses. Pourquoi l’État ou les collectivités s’autoriseraient-ils à faire l’inverse ? »

Soutiens, oppositions et climat sous tension

Xavier Pinon : « Qui vous a soutenu ? Qui s’y est au contraire opposé ? »

Christelle Morançais : « Ma majorité régionale a joué un rôle décisif. Nous avons travaillé ensemble, ligne par ligne, pendant des semaines. Mais le jour du vote, l’atmosphère a été extrêmement tendue : deux unités de CRS, des élus insultés ou menacés à leur arrivée, des pressions dans les couloirs… Certains criaient : “On a vos noms, on va s’occuper de vous”. Moi, cela m’a rappelé des périodes de l’histoire qui ne devraient pas ressurgir. Concernant les soutiens politiques extérieurs : très peu. Parfois même des attaques venant de ma propre famille politique. Mais ce qui m’a portée, ce sont des centaines de messages de citoyens. Dans la rue, dans les trains, sur les réseaux sociaux. Cette majorité silencieuse m’a donné la force de tenir. »

Les subventions : un système à bout de souffle

Xavier Pinon : « Les critiques ont beaucoup ciblé les coupes de subventions, notamment dans la culture. Que répondez-vous ? »

Christelle Morançais : « La vérité, c’est que les dépenses de fonctionnement avaient dérivé depuis longtemps et beaucoup de subventions avaient perdu leur sens. On ne peut pas maintenir indéfiniment tout ce qui a été créé un jour ; certaines structures vivent de demandes systématiques, en sollicitant plusieurs subventions simultanément. Nous avons donc décidé de stopper toutes les subventions, sans exception. Cela empêche d’être accusé de favoritisme politique. La culture ne représente que 10% des économies réalisées. Mais c’est devenu le symbole, parce que la culture est un totem : on ne touche pas à la culture. Pourtant, quand une aide représente 3 à 5 % du budget d’un festival, et que celui-ci dit qu’il ne survivra pas sans, cela interroge sur son modèle économique. »

Ressources humaines : réduire sans fragiliser

Xavier Pinon : « Et sur les effectifs ? Avez-vous dû réduire le personnel ? »

Christelle Morançais : « Oui, mais avec responsabilité. Nous n’allons pas remplacer 100 départs d’ici deux ans et demi, sur 4 000 agents. Ce n’est pas un plan social. Et je n’ai absolument pas touché aux personnels des lycées : leur recrutement est déjà difficile et leur travail essentiel. Il y a aussi une cohérence : moins de subventions c’est moins de dossiers à traiter et donc moins de tâches administratives. Et l’arrivée de l’IA permet de réduire les tâches répétitives pour les agents. »

Les apports de l’expérience entrepreneuriale

Xavier Pinon : « Quand vous étiez cheffe d’entreprise, y a-t-il des moments particuliers ou des compétences développées qui vous ont préparée à mener toutes ces mesures à la tête de la région ? »

Christelle Morançais : « Pas totalement. Une entreprise peut fermer, une région non. Les temporalités ne sont pas les mêmes. Mais il y a un point commun essentiel : décider. Dans le privé, on ne peut pas repousser une décision pendant des années. Pour ce budget, ma seule boussole a été : cet argent n’est pas le mien. Je dois le gérer mieux que si c’était le mien. »

Investissements : préserver l’avenir

Xavier Pinon : « Creusons tout de suite cette question de l'investissement ? Quels sont les grands projets que vous avez voulu maintenir en 2025 ou accentuer ? »

Christelle Morançais : « Trois piliers :

– L’emploi, avec des formations adaptées aux besoins des entreprises.

– La jeunesse, avec un investissement massif pour les lycées : 850 millions d’euros entre 2025 et 2030.

– La transition écologique, notamment dans les transports (cars au bio-GNV, renouvellement de la flotte, plan ferroviaire).

Beaucoup de régions commencent les coupes par l’investissement. C’est le plus simple… mais aussi le plus dangereux. Couper l’investissement, c’est compromettre l’avenir. »

Popularité : un non-sujet

Xavier Pinon : « En entreprise, on ne se pose pas la question de la popularité de la même façon, encore qu’il convienne d’embarquer avec soi les équipes. De votre côté, y avez-vous pensé en adoptant un budget aussi risqué politiquement ? »

Christelle Morançais : « Jamais. Je l’ai fait par conviction. Quand on fait de la politique, c’est l’intérêt général. Si on agit par souci de popularité, on n’est plus dans l’intérêt général, mais dans l’intérêt personnel. Mais un sondage a montré que 80 % des habitants approuvent ce budget. Les Français comprennent le bon sens. Ils appliquent cette logique chez eux, dans leur propre budget. Pourquoi pas les institutions publiques ? Mon triptyque est simple : Dire la vérité ; Donner du sens ; Avoir du courage. »

Indicateurs et culture du résultat

Xavier Pinon : « Dans le privé, on mesure tout : chiffres d'affaires, productivité, satisfaction clients… Dans le public, c’est peut-être moins ancré. Avez-vous introduit des logiques de performance chiffrées dans vos équipes ? »

Christelle Morançais : « C’est une révolution. Nous avons introduit des indicateurs de performance partout. Par exemple : dans la formation professionnelle, nous sommes passés de 60 % à 75 % de retour à l’emploi parce que nous sommes partis des besoins réels des entreprises. Dans la numérisation des lycées, une enquête a montré que 73 % des élèves n’avaient pas d’ordinateur personnel. Cela prouve l’utilité de notre politique. Aujourd’hui, l’efficience irrigue toutes nos décisions ! »

L’intelligence artificielle, l’organisation interne et la réforme structurante

Xavier Pinon : « Vous nous avez parlé d’IA tout à l'heure ; dans quelle mesure fait-elle son entrée dans les services publics ? »

Christelle Morançais : « L’IA entre dans nos services mais avec intelligence. Nous l’utilisons pour automatiser les tâches lourdes, par exemple des vérifications administratives qui prenaient des heures. Ce n’est ni un gadget ni un effet de mode : c’est une transformation incontournable. »

Xavier Pinon : « Un budget resserré, en fait, c’est une occasion de repenser le fonctionnement interne d’une organisation. Et vous évoquiez aussi le sujet des salaires… »

Christelle Morançais : « Effectivement, j’ai voulu introduire une réflexion plus ambitieuse sur la reconnaissance des agents : non pas via des augmentations classiques, mais par le biais d’une prime variable, destinée aux fonctionnaires qui s’engagent sur des projets structurants, comme le Big Bang de l’emploi ou d’autres initiatives transversales. Malheureusement, les syndicats n’ont pas adhéré à cette proposition. »

Réformes structurelles : missions locales, lignes de car et cohérence

Xavier Pinon : « Certaines réformes touchent des structures anciennes, comme les missions locales. Pourquoi cette décision ? »

Christelle Morançais : « Parce qu’il faut arrêter l’empilement. Les missions locales datent des années 80. Le chômage des jeunes était élevé : il l’est toujours. Aujourd’hui, nous avons France Travail, qui réalise déjà les formations. Pourquoi multiplier les guichets ? La région donnait 3,5 M€, soit 8 à 10 % du budget des missions locales. Ce n’était plus cohérent avec notre stratégie d’efficience. Réformer, c’est aussi savoir arrêter ce qui ne fonctionne plus. Par exemple, nous dépensons 98 M€ sur des lignes de cars empruntées par seulement 10 000 voyageurs. Certaines lignes sont extrêmement utiles, d’autres beaucoup moins. Il faut ajuster, vérifier si les horaires sont pertinents, revoir, et parfois… supprimer. »

Logique entrepreneuriale : responsabilité plus que modèle

Xavier Pinon : « Cela ressemble beaucoup à une logique entrepreneuriale. »

Christelle Morançais : « Peut-être. Mais pour moi, c’est surtout une question de responsabilité. Le mot ‘efficience’ est encore tabou dans le public. Il ne devrait pas l’être. Pour 2026, j’ai donné deux consignes claires : poursuivre la maîtrise budgétaire et évaluer précisément l’efficacité de chaque politique régionale. »



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